DataGueule est une émission de télévision et une websérie française proposant des vidéos d'animation sur l'actualité et tentant de révéler et décrypter des mécanismes sociétaux méconnus. Dans cette vidéo, les auteurs abordent le développement des algorithmes et les nombreux biais sexistes ou sociaux qu’il entraîne souvent. A travers différents exemples d’algorithmes de traduction, de suggestion de vidéo, de recherche d’emploi ou encore de surveillance téléphonique, les vidéastes dénoncent le fait que loin d’être neutres ou objectives, les logiques de programmation des IA tendent à entretenir et générer des erreurs et des inégalités nuisibles aux libertés individuelles et collectives de leurs utilisateurs. La deuxième partie de la vidéo consiste en une interview de Soline Ledesert, journaliste et webdesigner, notamment cofondatrice du site Algotransparency, dédié à la publication et à l'analyse des vidéos les plus mises en avant par l’algorithme de suggestion de Youtube. Elle évoque notamment son projet de “ serment d’hippocrate des data scientist ”, une charte éthique commune qu’acceptent de suivre les concepteurs d'algorithmes et d’IA signataires.

Les membres de ThinkerView se définissent comme “ un groupe indépendant issu d'internet ”, et diffusent sur le web de longues interviews sans montage de différentes personnalités spécialistes d'enjeux principalement économiques, géo-politiques, technologiques ou écologiques. Dans ces trois interviews, ils reçoivent les plus influents représentants français du débat autour de l’intelligence artificielle, dont les points de vue contradictoires dressent une vision très complète des enjeux contemporains de la discipline.

Laurent Alexandre est un chirurgien et entrepreneur français, notamment cofondateur du site Doctissimo, depuis plusieurs années essayiste et polémiste autour des questions de transhumaniste et d’impact des progrès scientifiques et technologiques sur les sociétés humaines. Jugeant le développement de l’intelligence artificielle inévitable, il développe dans son interview ses craintes que les capacités cognitives humaines se retrouvent vite dépassées par les performances algorithmiques, ainsi que la nécessité de penser les conséquences économiques, politiques et sociales de cet “ apartheid intellectuel ”. Il prône donc un développement français massif de ces technologies pour contrer économiquement et idéologiquement les autres pays leaders du domaine.

Cédric Villani est un mathématicien français, lauréat de la médaille Fields et depuis 2017 député de la majorité présidentielle. Il a notamment été chargé de la rédaction d’un rapport ministériel autour des enjeux de l’intelligence artificielle, évoqué dans l’introduction de mon article. Interviewé pendant la rédaction de ce rapport, il évoque quelques dangers de ces technologies, notamment leurs consommations énergétiques énormes et le manque de recul sur leurs potentiels impacts néfastes. Mais il explique qu’au vu de leur potentiel technique, il voit l’IA comme l’une des priorités majeures en termes de développement technologique français, et prône que l’Etat investisse massivement dans le domaine, tout en contrôlant et en légiférant sur ses dérives potentielles.

Éric Sadin est est un écrivain et philosophe français, principalement connu pour ses écrits critiques au sujet des développements technologiques contemporains. Dans son interview, il développe les conclusions de son livre “ L'intelligence artificielle, ou, L'enjeu du siècle : anatomie d'un antihumanisme radical ”, un essai à charge contre l’IA qu’il voit comme un outil d’asservissement liberticide. Il dénonce les formes de techno-libéralisme et de surveillance que ces technologies permettent, et le risque que leur capacité de traitement et d'analyse de données soit utilisée de manière nuisible, pour cibler nos centre d'intérêts et nos besoins à des fins commerciales. Il prône un abandon pur et simple de leur développement au nom des libertés individuelles et collectives.

Réda Benkirane est un sociologue suisse spécialiste notamment de la communication, de la complexité et de l’interdisciplinarité. Dans ce recueil d’interviews, il donne la parole à différents chercheurs en sciences sociales ou fondamentales, dont le travail traite de formes de complexité contemporaines. Parmi eux, plusieurs chercheurs en intelligence artificielle reviennent sur les logiques et enjeux profonds de la discipline, d’un point de vue technique plus que social ou critique. Dans le chapitre 6, Luc Steels, scientifique et artiste belge, décrit la façon dont les recherches en IA stimulent celles sur l’intelligence humaine, les deux disciplines se recoupant à travers différentes écoles de pensée au sujet des parts d’inné et d’acquis de l’intelligence humaine. Face à la grande difficulté de faire acquérir le “ sens commun ” humain aux IA, il évoque l'importance “ d’intégrer la nature contextuelle de l’intelligence ” aux algorithmes, défendue par de nombreux experts du domaine. Dans le chapitre 3, Neil Gershenfeld, physicien et informaticien américain au MIT, défend justement une approche “ sensori-motrice ” de l’IA, basée sur le fait de doter les ordinateurs “ d’organes sensitifs ” pour leur permettre de percevoir leur environnement aux moyens de capteurs et de se construire ainsi une expérience du monde pour s’auto-améliorer. Les IA devront selon lui être capable d’apprendre de leurs interlocuteurs et de leurs expressions pour raisonner pertinemment, en acquérant l’ensemble des codes sociaux que nous utilisons au quotidien.